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Marianne Abramovici

Le cas Fil O. : Un joli cas pédagogique pour travailler sur les tests utilisateurs


Aujourd'hui, je vais sortir de mes archives un vieux cas (plus de quinze ans) d'un projet d'innovation qui n'a pas abouti.


Les données sont issus du mémoire professionnel de l'étudiante qui réalisait son stage sur ce projet et était notamment en charge de l'analyse des données issues de l'expérimentation.


Il y a deux ans, j'ai évoqué ce projet dans le cadre d'une soutenance de mémoire et j'ai pu échanger rapidement avec un des ingénieurs impliqués dans ce projet. Il était très surpris que j'évoque ce projet "enterré". Dans un échange impromptu, il m'a avoué qu'il l'avait "oublié" alors qu'il me rejoignait sur l'intérêt de l'analyser avec du recul.


Le fait qu'un processus d'innovation s'achève en route, sans se concrétiser est bien plus fréquent qu'on ne le croit. Des ingénieurs d'une grande marque de constructeur automobile m'ont raconté qu'en blaguant, il se disait dans les départements RetD de cette entreprise "que si on les jugeait au nombre de pilotes, ils dépassaient la Lufthansa".


Ce qui est également très fréquent et beaucoup plus dommage, c'est que, bien souvent, on enterre ces projets inaboutis sans faire le tri et repérer les nouvelles connaissances qu'on pourrait remobiliser dans d'autres projets. Voilà l'histoire.




L’innovation Fil Orange a été développée dans les années 2005-2006 par l’entreprise Orange.


Le brief Marketing est alors de viser la clientèle « senior » en construisant une offre groupée de téléphonie mobile et de service d’assistance. L’idée est de combiner deux services alors existants :

- Un service de téléassistance qui existe mais ne séduit qu’un quart des potentiels usagers du fait de son caractère très stigmatisant. L’associer à une téléphonie mobile apparaît alors comme source de valeur


- Un service de téléphonie mobile associé à un système de géolocalisation, alors que ce segment n’est majoritairement peu équipé de mobile (en 2004).

En 2005 , la géolocalisation est une nouvelle fonctionnalité qui n’équipe pas les mobiles. Orange va rencontrer des difficultés dans la précision de la localisation (à 20 mètres près, en ville, c’est une distance trop importante pour localiser une personne en urgence vitale).


Parallèlement, le service est proposé à un prix très élevé (prix d’un abonnement mobile plus d’une assistance plus marge), qui va décourager les personnes visées.


Enfin, l’accompagnement des bénéficiaires et usagers directs est insuffisant. On se rend compte que les personnes âgées équipées de ce système utilisent le téléphone comme un récepteur et non comme un émetteur et ne comprennent pas pourquoi ils doivent le recharger aussi souvent. Comme ils n'ont pas l'habitude de téléphoner à l'extérieur, même si ils se munissent du téléphone quand ils sortent, ils n'ont pas le sentiment de l'utiliser. Pour eux, ils n'a donc pas besoin d'être réalimenté. De fait, le mobile est le plus souvent déchargé, ce qui fait qu’il ne permet pas de porter assistance.


La phase de test conclut donc à un service immature.

Le besoin d'assistance lors de sortie est réel mais la faible précision du GPS ne permet pas une réelle plusvalue par rapport aux systèmes d'alerte existant (médaillon).

La notion de téléphonie mobile n'est pas un usage alors adopté par les bénéficiaires directs, ce qui se traduit par un abandon du produit ou une utilisation inefficace (le téléphone n'étant pas chargé lors des déplacements).


Cependant, elle montre un usage détourné qui aurait pu enclencher une seconde phase d’innovation :

Les enfants des personnes dépendantes, qui sont souvent ceux qui les ont équipé de ce système d'assistance et qui sont dans tous les cas des partenaires du service (puisque les personnes contactées en cas de problème) ont parfois utilisé le mobile de leurs parents quand ils partaient en randonnée.

La fonction géolocalisation étant appréciée à la fois pour mieux se rendre compte des distances parcourues mais aussi pour être un mobile qui pouvait permettre de prévenir les secours directement (service d’assistance).


Bien que ce résultat inattendu des tests ait été transmis à l'équipe marketing, elle n'a pas été prise en compte et n'a pas généré de nouveaux développements. Quelques années plus tard, les premières applications de géolocalisation à destination des randonneurs ou cyclistes étaient proposées sur les plateformes.

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