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  • Marianne Abramovici

Vente directe, MLN, vente pyramidale : Si on faisait le tri ?

Comment expliquer à ma fille que je sois OK pour la distribution directe ou vente directe comme Tupper Ware et que je sois "vent debout" contre la vente pyramidale. Comment lui montrer que, non ce n'est pas la même chose et que si toute les pratiques de MLN ne sont pas vertueuses, il n'est pas raisonnable de vouloir TOUTES les condamner ? C'est à cet exercice que j'ai essayé de me livrer aujourd'hui.


Alors, avant d’entrer dans le fond du sujet, deux anecdotes (réelles mais pas récentes) qui décrivent deux dispositifs a priori proches et dont vous verrez des effets diamétralement opposés.


II y avait chez moi beaucoup de Tupperware. Cela ne m’étonnait pas outre mesure, il y en avait aussi beaucoup (beaucoup) chez ma grand-mère.

Donc pour moi, il s’agissait d’un produit courant. C’est bien après la mort de ma grand-mère que j’ai découvert qu’elle était une vendeuse des produits Tupperware et même une des meilleures vendeuses de sa région. Et que sa meilleure amie, chez qui nous allions régulièrement prendre le goûter, était une des vendeuses qu’elle avait formée.




Je n’ai jamais vu ma grand-mère organiser des réunions. Je ne sais pas si elle le faisait encore de « mon » temps, j’imagine que non car ces Tupperware étaient assez vintage. Quand je me suis installée, je me suis dépêchée de me débarrasser de ces trucs vieillots (mais fonctionnels) que j’avais vu toute mon enfance. Maintenant, j’essaie de récupérer les derniers en circulation (grâce à ma mère qui semble en avoir un stock infini) car ils sont des témoins d’un autre temps (et doivent avoir plus de 50 ans tout en restant moche MAIS fonctionnel !)


Cela m’a fait rire d’imaginer ma grand-mère en train d’organiser ses réunions. Mais, en y réfléchissant, c’était assez logique. Ma grand-mère avait le profil idéal pour l’implantation de ces produits en France. Car ma grand-mère :


1. Ne « travaillait » pas, en tout cas « exerçait » ses multiples activités à domicile (confection de magnifiques produits en crochet, remettre les enfants difficiles dans le droit chemin, s’occuper des personnes âgées ou malades de son entourage, élever poules et lapins, s’occuper de son potager et de son champs….)

2. Etait un pilier de la communauté, non par le biais de la religion mais parce qu’elle était connue pour aider tout le monde et faire des choses qu’on ne faisait pas en ville (ah oui, j’oubliais, elle était aussi bouilleur de cru et faisait d’ailleurs un alcool de prunes très prisé avec les prunes de son jardin et par ailleurs, à notre grand désespoir à mon frère et moi, elle savait tuer une portée de chatons dont on ne voulait pas)

3. Etait intelligente. Née en 1905, elle avait eu son certificat d’études et en était très fière. Je ne comprenais pas bien pourquoi elle mettait sa fierté dans ce qui me semblait un examen sans valeur….avant de découvrir que quand on était une fille née en 1905, et venant de la campagne (Montvallent pour ma grand-mère, dans le Lot, regardez sur une carte, c’est vraiment le trou du cul du Monde), et bien être présentée au certificat d’études, c’était assez exceptionnel. Je pense d’ailleurs qu’elle a fait partie des toutes premières diplômées de son département (si quelqu’un sait comment je peux obtenir cette information, je suis preneuse).

4. Avait une soif d’autonomie et de liberté et était donc très contente de pouvoir disposer d’une source de revenu indépendante de son mari. Ma grand-mère avait travaillé à l’usine, à son arrivée en région parisienne. Mais mon grand-père avait trouvé qu’elle avait pris de mauvaises manières ( ! ?!). Alors, ma grand-mère a passé son diplôme de steno-dactylo à distance (vraiment intelligente et débrouillarde, ma grand-mère) et avait travaillé quelques années comme secrétaire. Sauf qu’à la naissance de ma mère, sa seconde fille, mon grand-père a décidé que sa place était à la maison. Force du patriarcat, des conventions sociales, ma grand-mère s’est pliée à cet oukaze, ce qui ne l’a pas empêchée de trouver d’autres façons de « travailler » et de se procurer un revenu, pour ne pas dépendre de mon grand-père.



Alors oui, sans doute qu’une partie des Tupperware de ma grand-mère et de ma mère était des « invendus », qui lui restaient sur les bras. Sans doute que, parmi l’ensemble des personnes que ma grand-mère a formé, en étant identifiée comme une des meilleures vendeuses, toutes n’ont pas rencontré son « succès ». Mais je pense que ce fut une vraie chance pour ma grand-mère et que l’essentiel de ses revenus liés à cette activité ont bien été obtenu par la vente des produits.



La seconde histoire vraie a été vécue par mon professeur de Yoga. Quelques mots pour le décrire car il n’avait rien de la « proie facile ». Avant d’être professeur de Yoga, il avait fait des études d’ingénieur et avait même exercé quelques années ce métier. C’est avec le mouvement de 68 qu’il s’est intéressé au Yoga, Hatha Yoga pour être précis. Il s’est formé, en France et en Inde et a continué à se former toute sa vie. Il faisait partie de l’association des enseignants de Hatha Yoga. Mais surtout, pour avoir pratiqué auprès de lui plus de quinze ans, il avait « adapté » son enseignement pour des occidentaux au sens où il nous expliquait l’intérêt des exercices non pas en se basant sur les « énergies » et les « shakras » même si il lui arrivait de nous en parler mais en revenant sur le squelette, les muscles…. Autre exemple, il ne nous enseignait pas la « méditation » mais la « relaxation ». Des années plus tard, j’ai compris, en lisant Mathieu Ricard qu’il employait les bons termes mais que j’avais, grâce à lui, acquis toutes les bases pour pouvoir me former à la méditation.


Bref, ce n’était absolument pas le naïf épris de New Age. Cependant, il s’est fait convaincre de rentrer dans ce qui était une MLN (pour moi) autour de la distribution de compléments alimentaires à base de plantes. J’imagine que les produits étaient valables et que c’est ce qui l’a convaincu, d’abord d’en acheter pour lui. Le fait qu’il enseignait le Yoga et que donc, il pouvait, à son tour, nous engager à les consommer l’a sans doute convaincu de passer de clients à distributeurs. Mais, sa clientèle lui était fidèle car elle appréciait son sérieux. Elle n’a pas du tout adhéré à ce changement de posture et, intelligent, il s’en est vite aperçu. Je me souviens, lors d’un stage que nous avons échangé sur sa mésaventure. Il en avait pour des années à « consommer » ces produits étant donné le stock qu’il avait accepté d’acheter. Il avait vite compris que la « vraie » manière de gagner de l’argent n’était pas dans la vente mais dans l’enrôlement d’autres vendeurs avec qui on pourrait écouler son stock. C’était donc un système pyramidal dont la création de valeur n’était pas dans la vente de produit mais dans le recrutement de vendeurs. Lui était désolé de s’être laissé convaincre et, pire encore, d’avoir essayé de nous convaincre car il comprenait bien qu’en faisant cela, il avait abîmé (de façon très temporaire la confiance qu’on lui accordait). Il a fait partie des perdants de cette histoire et, plus que la perte financière (je pense somme toute modeste mais conséquente pour lui qui gagnait tout juste de quoi vivre avec ses leçons de Yoga), cette mésaventure avait entamé sa confiance en lui et envers le monde.


De mon point de vue, la PRINCIPALE différence entre la distribution par le mécanisme de la vente en réunion et la vente pyramidale est ce qui produit de la valeur.

Si c’est le produit vendu en réunion, et que la réunion se justifie parce qu’on peut démontrer, former, faire essayer le produit, alors il s’agit d’un système de distribution qui a son intérêt surtout si les « vendeuses » sont formées et accompagnées.


Si c’est le fait d’intéresser et de recruter de nouveaux « vendeurs » et de prendre un bénéfice sur leur propre vente (d’une manière ou d’une autre), alors il s’agit de vente pyramidale et on est donc dans une pratique illicite.



Au-delà du caractère licite ou illicite, une vente directe peut être plus ou moins vertueuse. De mon point de vue, des produits comme Tupperware (à l’époque de ma grand-mère) ou de produits de loisirs créatifs (ttps://www.azzaworld.com/job/vente-a-domicile-scrapbooking-loisirs-creatifs/) ont une valeur intrinsèque et la vente en réunion apporte une plus-value au produit (que l’on peut tester) et à l’expérience (si la réunion se transforme en atelier créatif). Je n’ai pas d’état d’âme dans ce cas.


En revanche, si la valeur du produit est difficilement perceptible au premier abord (bien de croyance et non bien d’expérience), ce qui est typiquement le cas de compléments alimentaires, si la preuve de leur « vertu » s’appuie davantage sur le témoignage d’influenceurs que sur la démonstration indépendante de leurs effets, si la « rareté », l’exclusivité (car uniquement disponible via ce biais) fait partie de l’argumentaire de vente, alors qu’au final le dispositif soit ou non légal, il n’est pas, à mes yeux, vertueux.


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