Le quartier apparaît comme un "objet urbain" pertinent pour renouveller la ville. Cette exigence d'innovation, entendue comme la nécessité de modifier profondément la construction dans son processus et dans son résultat est un leit motiv qui n'a fait que prendre de l'ampleur à la fin du XXème siècle.
Mais innover ne signifie pas seulement introduire des nouveaux matériaux ou des nouveaux processus pour atteindre de nouvelles performances pour la ville.
Deux autres caractéristiques apparaissent nécessaires pour dépasser l'effet de mode et transformer durablement et profondément le tissu urbain.
Une première caractéristique est l'observabilité des conséquences attendues des nouveaux process et matériaux sur les performances des écoquartiers. Or ces dernières sont multiples et dressent un portrait du quartier idéal selon G. Yepez : "Nous voulons tous des quartiers qui soient attractifs, sécurisés, sains et non pollués, avec des équipements locaux de haute qualité, accessibles, proches des espaces verts et avec un raccordement excellent à d‟autres secteurs; des quartiers qui facilitent les échanges conviviaux, l'activité sociale et l'amitié ; des quartiers qui répondent aux besoins particuliers des habitants, des personnes âgées et des jeunes; un cadre idéal pour la santé et le bien-être."
Si certaines de ces caractéristiques "idéales" peuvent être observables dès la "livraison" de l'écoquartier aux habitants (ces caractéristiques d'accessibilités, de proximité à des poumons verts, de raccordements, de mixité fonctionnelle), de nombreuses autres (par exemple la mixité sociale ou générationnelle) ne peuvent s'observer que plusieurs années après la livraison de ces quartiers et nécessitent une participation active des habitants et des riverains du-dit quartier.
Cela impose d'analyser la performance d'un écoquartier dans la durée, ce qui est effectivement intégré dans les programmes urbains les plus récents (les "réinventer la ville" par exemple) qui s'apprécient, pour les dimensions sociales, sur une horizon de quinze ans !.
Ces deux premières caractéristiques : la nécessité d'introduire de nouvelles manières de construire et des caractéristiques qui ne peuvent s'apprécier que sur un temps long suppose d'avoir un pilotage au plus près et de pouvoir renégocier les objectifs initiaux face à l'observation des conséquences réelles de décisions prises dix, quinze ou vingt ans avant. La possibilité de renégocier le projet afin de modifier une innovation qui ne démontrerait pas son efficacité est un des leviers permettant de concilier ces deux objectifs.
Une troisième caractéristique s'impose aux écoquartiers. Comme le rappelle la citation plus haut, la principale performance attendue d'un écoquartier est qu'il soit un lieu agréable pour ses habitants et les riverains. Un quartier ouvert qui profite à l'ensemble des quartiers limitrophes. Un quartier dont la qualité de vie attire et assure qu'il satisfasse aux attentes urbaines à l'origine de son projet.
Cette troisième caractéristique suppose l'adhésion des habitants qui dépasse la séduction nécessaire à leur arrivée sur le quartier. Ils ne doivent pas simplement y résider mais y habiter pleinement en adhérant aux règles qui vont assurer une partie des bénéfices du quartier. Que ce soit en matière de mobilité (en acceptant d'abandonner pour partie la voiture individuelle), d'écologie (en participant au tri des déchets), de convivialité ou de sécurité, ces différents objectifs supposent une participation effective des habitants. Pour garantir cette dernière, les promoteurs imaginent de nouveaux services et lieux qui soient des accélérateurs de "lien social". Dans le cadre de l'écoquartier de Chatenay Malabry, c'est la "maison du chantier" qui est le tiers lieu devant faciliter cette adhésion collective.
Mais disposer d'un lieu et d'un animateur de lien social ne suffit pas pour mobiliser durablement les riverains et les futurs habitants et les impliquer dans un projet de co-conception de leur quartier. Et cette troisième caractéristique doit concilier le caractère local et durable du projet en intégrant, au fur et à mesure les nouveaux habitants aux riverains déjà concernés par les phases amont du projet.
Pas sûr qu'on sache d'ores et déjà impliquer sur une dizaine d'année de façon continue mais renouvellée des habitants / futurs habitant pour penser ensemble un projet urbain innovant. Pourtant des lieux existent où cette culture de la coconstruction existent, par exemple dans les living lab. De là à penser que, pour réellement exister, un projet d'écoquartier doit nécessairement devenir aussi un living lab ?
Sources :
Yepez-Salmon G., 2011, Construction d'un outil d'évaluation environnemental des écoquartiers : vers une méthode systémique de mise en œuvre de la ville durable, Thèse de doctorat, Université Bordeaux 1
Missika J-L., 2020, "Réinventer Paris", Conférence de l'Ecole de Paris du Management (sous la coordination de T. Paris), décembre 2020, notes personnelles.
Burger-Helchmen, Hussler C et Cohendet P., 2016, "Les grands auteurs en Management de l'innovation et de la créativité", EMS éditions
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