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  • Marianne Abramovici

La maternelle du concours Laipyn

Qu'est-ce qui ce cache derrière ce nom ?

Il s'agit d'un jeu qui a été inventé un été avec mon fils, il y a dix ans déjà.

Laissez moi vous raconter l'histoire.

J'avais emmené mes deux enfants (8 et 6 ans à l'époque) à la foire de Paris. Comme chaque année, il y a les projets qui candidatent au concours Lépine qui sont exposés. Cette année là, il y a un dispositif, qui ressemble à une

boite à chaussure en bois et qui permet de positionner un lapin dans la position idéale pour lui couper les ongles, sans danger ni pour le soigneur, ni pour le lapin.


Mon fils de 8 ans est fasciné par cette invention. Qui a pu avoir une idée pareil ? Je lui explique que c'est probablement un propriétaire de lapin / un éleveur qui a beaucoup galéré pour s'occuper des ongles de ses lapins. "C'est souvent face à un problème qu'on invente une solution et tu ne sais jamais, peut être que cette invention pour les lapins va se révéler très utile pour les chiots pas exemple."


Le sujet l'intrigue et comme il est déjà et très curieux, et très raisonneur, il continue à m'interroger. A cette époque, on s'amusait souvent, en se baladant à s'inventer des problèmes d'arhithmétique un peu loufoques. Mais petit à petit, Romain déplace le jeu vers des projets d'invention. Alors, je discute, oui mais la technologie n'existe pas encore. Oui, mais c'est très spécifique. Ah, cela me semble une excellente idée car on pourrait aussi l'utiliser dans tel cas....


Un jour, il me fait remarquer que j'utilise toujours un peu les mêmes critères et je lui fais remarquer que c'est normal car je m'appuie sur un cadre d'analyse qui existe : celui de la théorie DKCP. En fait, certains critères ont été adapté (je joue avec un enfant de 8 ans et sa soeur de 6) et, comme Alice est beaucoup plus théâtrale que Romain, on a aussi introduit le critère "effet Whaou" = Indépendamment de la qualité du projet d'invention, sa présentation est excellente !


Voici finalement les critères que nous avons adoptés :


Originalité : L’idée est-elle « originale » ? On s’appuiera sur la connaissance probable du joueur qui l’a émise. Si un joueur indique qu’une idée a déjà été réalisée dans un autre temps / pays / culture, il peut l’indiquer mais les autres joueurs évalueront l’originalité de l’idée émise du point de vue du joueur qui l’a émise.


Robustesse : L’idée semble-t-elle pouvoir être réalisée ? Les technologies mobilisées existent-t-elles ? Sont-elles matures ou bien conceptuelles ? En général, une idée très originale n’est pas très robuste et inversement….


Utilité : L’idée répond-elle au besoin émis, pour la partie prenante au centre du « problème » ? La solution semble-t-elle pratique ? Répond-t-elle à d’autres besoins ?


Transférabilité : L’idée est-elle adaptable à des besoins proches (on permet au grand père de se souvenir également des prénoms de ces petits enfants) ou plus éloignés (la même technologie peut être mobilisée pour rappeler au grand père les examens médicaux qu’il doit passer). C’est au joueur qui présente d’émettre des adaptations possibles de son idée mais les autres joueurs, en notant, peuvent justifier leur réponse en émettant des adaptations nouvelles.


L’effet Whaou

L idée à t elle plus au jury (les autres joueurs) ?

À-t-elle bien été présentée par le joueur ? L’effet Whaou évalue le degré de finalisation de l’idée. Le fait qu’il y a un nom « pertinent », un modèle économique, voir une idée de campagne marketing sera considéré pour cette évaluation.

Ce critère se base sur l’appréciation personnelle de celui ou celle qui note la prestation du joueur.


Une fois ces critères définis, voici comment nous avons "joué" à la maternelle


Nous choisissions un problème du quotidien. Soit ils nous concernaient tous : "comment éviter de s'ennuyer pendant les longs voyages en voiture" / "comment retrouver à tous les coups son téléphone portable ?", soit le sujet était plus large : "en voiture" / "avec des chats"...


On se donnait entre cinq et dix minutes pour avoir une idée et la développer un peu. Là c'est un exercice totalement mental que chaque joueur joue en silence.


.Puis, quand tout les joueurs ont une idée à proposer (au moins un début), ils peuvent les énoncer. L’ordre d’énonciation n’a pas d’importance dans le jeu mais il est conseiller de laisser la parole aux plus petits / timides afin que ceux ci n’aient pas la tentation de reprendre des idées déjà émises.

Dès que l’idée d’un joueur est émise, chacun des autres joueurs notent l’idée qui vient d’être émise sur la base d’une évaluation reposant sur les cinq critères définis plus haut (à chaque fois entre 0 et 2 avec comme notes possibles : 0 ; 0,5 ; 1 ; 1,5 ; 2.


On compte les points (la note varie en fonction du nombre de joueurs) et celui qui a le plus de points à gagner.


L'intérêt du jeu se situe, pour moi, dans la discussion / négociation pour les points. Quand on se connaît bien, chacun peut proposer des améliorations à la proposition du joueur qui vient de parler. D'ailleurs, ce sont souvent les joueurs qui notent qui suggèrent des pistes de transférabilité. Quand l'esprit collaboratif l'emporte sur l'esprit compétition, on peut vraiment s'amuser !


Mais même quand c'est un peu tendu (et croyez moi, cela l'était souvent entre mes deux enfants), j'ai trouvé l'exercice vraiment intéressant car il obligeait à formuler et faire comprendre quelque chose qui n'existe pas. Et mine de rien, cet exercice est hyper formateur pour apprendre à présenter ces idées.

Mon aîné, très logique et organisé, trouvait souvent que sa petite soeur était plus inspirée mais trop brouillonne. Quand ils se décidaient à travailler sur le même projet, c'était assez bluffant. Et quand ils se liguaient pour m'opposer tous les "défauts" de mes propres idées, c'était aussi très drôle (je n'ai pas dit que c'est un apprentissage de la bonne foi !)


Bref, après deux étés, et à un moment où mon grand doutait, je lui ai proposé de communiquer ses règles et mêmes de les utiliser dans le cadre d'initiation à l'innovation / au design de services.


Et c'est ce que j'ai fait. En 8 ans, nous avons expérimenté ce jeu auprès de licence 1, de licence 2 de Master 1 et 2, de formations continus, de responsables pédagogiques. J'ai même animé une séquence auprès de sa classe de 4ème.


A chaque fois, ce jeu a permis de déconstruire l'idée qu'il fallait être un génie pour innover. Ce jeu montre surtout que l'invention peut être locale. Qu'elle n'a pas besoin d'être futuriste ou technologique. Qu'elle doit surtout être utile et claire.


Convaincus ?

A vous de jouer !

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