Lors de notre plongée dans la lecture expressive, nous avions noté que, pour rendre saisissant une scène de groupe, il fallait s'attacher à décrire l'environnement autant que les personnages dans leur allure générale comme dans leur attitude et leurs actions. Vous retrouver des éléments ici : https://www.blogmarianneabramovici.com/post/actions-et-attitudes-avec-quelques-traits-pittoresques
Dans le chapitre IX du livre de Mlles Cognet et Janet, intitulé "Positions et attitudes", on retrouve cette attention aux mots permettant de rendre compte de tout ce qui peut faciliter la description physique et morale d'une personnage. Dans ce chapitre, il s'agit d'un instantané, il faudra attendre le prochain chapitre pour y intégré le mouvement.
Mais déjà, on apprend de multiples choses pour diversifier la manière de désigner la position d'un personnage ou d'un objet, la composition d'un ensemble et bien des choses encore.
Je vais donc ici rendre compte assez fidèlement de ce chapitre car il est essentiel si je veux permettre à mes étudiants d'être mieux armé pour observer et restituer par écrit des expériences de services.
Les chapitres précédents portant sur les formes et les volumes nous ont donné les grands registres pour décrire les silhouettes. Il s'agit désormais de se pencher sur la position et l'attitude.
Commencer par la position / la disposition / la place, c'est repérer précisément l'endroit précis du lieu / de la pièce où ce situe ce que nous souhaitons décrire. La situation permet d'indiquer la place d'une personne ou d'un objet / lieu avec une idée de son orientation.
La disposition quand à elle, permet de revenir sur l'organisation des parties d'un ensemble.
Les verbes qui vont nous aider à amorcer cette description sont des synonymes plus ou moins proches de "être" : situer, disposer, placer, se placer...
Les trois formes : poser, être poser, se poser permettent d'apporter les nuances différentes dans l'emploi de ces verbes neutres.
Mais pour éviter l'énumération ennuyeuse, "varier la présentation des objets", on peut avoir recours à deux catégories de verbe, d'après Mlles Cognet et Janet.
1. On peut employer des verbes "qui évoquent spécialement la forme, la silhouette ou la dimension" de l'objet :
Exemple : une vieille maison se profile, un arbre se dresse, la plaine s'étend, un fleuve, un sentier se déroulent, le clocher pointe, s'élance, de dresse, un fossé se creuse". (p 131)
2. Des verbes permettent d'évoquer la disposition d'un groupe d'objets, leur usage et leur fonction : déployer, joncher, s'offre (un étalage), s'ouvre.
L'attitude est le dernier élément qui complète la description d'une personne. Les autres mots permettant de décrire la même notion sont la position, la pose, la posture, la tenue, le maintien, la contenance et la tournure.
Ces nominatifs seront le plus souvent accompagnés d'adjectifs qui permettront de saisir une première impression : une humble contenance, une tenue maladroite, une posture fière....
Si "se tenir" n'indique que la position, d'autres verbes peuvent être préférés pour décrire directement l'attitude et la position des membres.
On pourra ainsi préciser que l'individu est adossé, appuyé, accoudé, cambré, redressé, voûté, agenouillé.
Ici les verbes choisit permettent de préciser la position mais d'autres auront déjà des connotations indiquant le caractère du personnage.
Pour suggérer la vanité ou l'importance, j'utiliserai "se carrer", "se camper", pavaner
Pour suggérer la timidité ou la peur : se tapir, se blottir, se terrer
La surveillance ou la menace : se poster, s'embusquer, être aux aguets
Le confort : se blottir, se caler, se prélasser
La nonchalance ou l'accablement : affalé, affaisser, vautré
L'effort : arc-bouté, crispé, tendu, aggripper
Pour finir, un petit exercice d'écriture où je me suis attachée à donner une forme aux personnages empruntés au monde des Héritiers et que j'ai mis en scène dans mon exercice d'écriture précédent (voir https://www.blogmarianneabramovici.com/post/exercice-d-écriture-2-exercices-de-styles-fantastiques)
J'ai fait relire cette description à deux des joueurs qui incarnent ces personnages de jeux de rôle et qui ont validé une grande partie de ma description (bon, pas le personnage du fouinard, visiblement je me suis trop laissé inspiré par l'archétype est le personnage est plus jeune et moins "Professeur Tournesol").
Les héritiers sont arrivés au Canari. Ils se sont attablés sagement autour d'une table, essayant maladroitement de se fondre dans la masse.
Je ne les connais pas encore mais leur attitude et même leur position m'en apprend déjà beaucoup sur eux.
Je ne reconnais d'abord avec certitude que le fouinard, affaissé sur la table, le front bas, les yeux concentrés sur un détail du mur, marmonnant tout seul. Même à demi chauve, il parvient à être décoiffé. Sa tenue est informe. Un grand front ne compense pas des yeux globuleux et enfoncés, un nez aquilin, des joues creuses, pas de bouche et un menton fuyant. Seuls ses lunettes lui redonne quand il les porte un semblant de respectabilité que toute son attitude dément.
Il y a peu dire qu'il fait tâche au milieu de cette assemblée élégante. Les femmes en particulier semblent chacune plus nobles et fières. Cependant, rien ne pourrait être plus différente que ces trois belles.
L'une est petite et très blonde. Elle est gracieuse et vive et semble être dans la prime jeunesse. Elle a adopté en tout cas les tenues vaporeuses des jeunes filles, dans une teinte délicate, vert d'eau, qui souligne agréablement la blancheur de sa peau. En regardant ses joues, je songe à la nuance "cuisse de nymphe émue" et je ne peux m'empêcher de sourire. Elle ne porte qu'un fin bracelet. Ses cheveux, remontée en un chignon lâche, sont agrémentés de quelques perles. Ses mouvements sont vifs, son regard attentif. Elle respire l'énergie.
A ses côtés, droite comme un i, à l'affût, une grande femme brune m'observe. Je ne parviens pas à détacher mon regard de ses yeux bruns, perçants. On dirait qu'un éclat de soleil s'est perdu dans ses pupilles de chat. Elle ne sourit pas, son visage est sévère et j'ai pourtant le sentiment qu'elle me jauge, m'observe, se mesure à moi. Elle a une tenue assez neutre, d'un gris presqu'argenté, qu'une magnifique broche Saphir rehausse. Ses cheveux très bruns sont ramenés dans un chignon haut et serré en partie couvert par une aigrette de la même teinte que sa robe. Tout en elle souligne la distinction et la force. Je n'aimerais pas avoir à me mesurer à elle.
La dernière créature qui complète ce tableau est flamboyante à tout niveaux. Ses cheveux de feu, détachés, cascadent sur des épaules blanches. Sa robe en velours grenat ressemble davantage à une tenue de scène qu'à une tenue de soirée et détonne encore plus dans cette assemblée estivale plus relâchée. Elle porte un double collier de perles ainsi que un bracelet non moins impressionnant au bras gauche. Deux grosses bagues où brillent des diamants habillent ces mains qu'elle a très longues. Ses mouvements sont incroyablement fluides comme si elle dansait en tout lieu et à tout mouvement. Ses paupières sont souvent à demi-baissée mais quand elle vous regarde droit dans les yeux, j'imagine qu'il faut une force de caractère démesurée pour résister à son charme.
Mon regard est resté un peu trop longtemps sur cette créature enchanteresse. Je sens maintenant deux regards masculins sur moi. Le premier est un noble qui semble être le compagnon et le partenaire de la jeune femme rousse. En tout cas, dans son habit noir, il la couve du regard et la protège. Il porte un gilet chamarré très élégant et je distingue une montre élégante à son gousset. Il me semble bien plus grand que la moyenne mais c'est un peu difficile à dire car l'ensemble de ce groupe semble dominer les vacanciers venus se détendre dans ce troquet. Comme si ils étaient sur une estrade invisible. Il me semble pourtant devoir sa prestance plus de sa taille que de sa silhouette filiforme.
Il en est tout autrement du dernier personnage qui compose cette drôle d'assemblée. Si, de prime abord, c'est le plus massif, c'est aussi celui que j'ai le plus de difficultés à vous décrire, comme si il arrivait à se fondre dans le décor. Il se tient assis très droit, lui aussi à l'affût. Son regard semble perdu dans le vague mais il tourne parfois brusquement la tête, comme si un bruit que lui seul entendrait l'avais mis en alerte. Il me semble, sinon, avare de ces mouvements comme de ces paroles, n'interagissant que peu avec ces compagnons. Il m'est difficile de distinguer ces traits comme si la forme même de son visage était imprécise. Un moment pourtant, suite à la venue du garçon, son visage s'éclaire soudain d'un large sourire. J'aperçois distinctement alors de tout petits yeux malins, observateurs, d'une couleur improbable et puis, si vite que je crois l'avoir rêvé, il est de nouveau ce géant silencieux et insaisissable.
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